Une fourmi scintillante
Au bout d’une petite ruelle se trouve un charmant immeuble rose recouvert de neige. Nous arrivons chez Sara da Fonte, qui nous reçoit dans son salon. Face à nous, une table basse en bois s’accorde parfaitement avec les tons marron du canapé et donne une atmosphère réconfortante à la pièce. «Tout a commencé à l’Église», se souvient Sara. L’entrée en matière est pour le moins surprenante. Sara da Fonte lit régulièrement une revue qui est à disposition du public au sein de sa paroisse. Dans chaque numéro, un chapitre est consacré à des exemples de biomimétisme. «Les toiles d’araignées pour les gilets par-balles, les becs des oiseaux pour le train de Shinkansen, les yeux des serpents pour les rayons infrarouges sont toutes des inventions développées grâce à l’observation de la nature», explique-t-elle.
Lorsqu’elle doit choisir un sujet pour son travail de maturité «le biomimétisme» figure parmi les thèmes proposés aux étudiant·e·s du Gymnase de Morges. Mais pour Sara hors de question de faire dans la facilité: «Je voulais apporter quelque chose de nouveau sans parler des cas que tout le monde connaît». C’est à partir de là que la fourmi argentée du Sahara retient son attention.
Mais quelle est donc sa particularité? «Elles possèdent des poils triangulaires de couleur argentée qui reflète la lumière et donc la chaleur. Elles peuvent ainsi se promener dans le désert en pleine journée sans être repérées par leurs prédateurs», explique-t-elle. Une fourmi poilue et scintillante qui résiste au coup de soleil donc. Pari réussi, le sujet est loin d’être banal. «J’ai d’abord étudié cet insecte, puis j’ai fait une expérience pratique pour prouver sa faculté thermique».
Sara s’éclipse rapidement pour chercher la version écrite de son projet et pointe les différentes phases de son expérience tout en poursuivant ses explications. «J’ai commencé par fabriquer une petite maquette maison: une boîte isolée thermiquement avec des fibres d’une couverture chauffante. Je les ai disposées en carré, en rond et en triangle. Je les ai aussi peintes de plusieurs couleurs différentes. Puis, j’ai placé la boîte sous une lampe à incandescence pour mesurer les variations de température», poursuit-elle. Et les résultats sont impressionnants: c’est bien la configuration triangulaire associée à la couleur argentée qui provoque l’effet thermique.
Peinture en nanotriangles
Mais à quoi pourrait bien servir cette découverte? Quelles problématiques humaines pourrait-on résoudre en s’inspirant de ces ouvrières? Sara a imaginé un produit ingénieux: une peinture argentée composée de nanomatériaux en forme de triangle. «À l’œil nu, nous ne verrions qu’une surface lisse», assure-t-elle. L’idée est la suivante: utiliser cette peinture isolante sur des bâtiments. De plus, les matières composées de nanomatériaux sont peu coûteuses à la production. «Les systèmes de climatisation sont très chers dans les pays du Sud. Avec une telle technologie, des foyers précaires pourraient tout de même réguler la température de leur habitat».
Ce n’est pas tout. Sara a imaginé d’autres utilisations pour le moins insolites. Selon elle, il serait également possible de développer des «nano-tissus». «On pourrait imaginer un vêtement esthétique avec un colorant argenté qui ne s’effriterait pas avec le temps et qui serait isolant», relève-t-elle en souriant. Bientôt une nouvelle tendance?
Dénichée par un ambassadeur
Le travail de Sara n’est pas passé inaperçu. Pour celui-ci, elle obtient la note de 6! Un enseignant, qui travaille en tant qu’ambassadeur pour la Fondation Science et jeunesse, croit en son projet et lui propose de participer au Concours national pour le porter plus loin. «C’était la première fois que je m’inscrivais à un Concours», avoue-t-elle.
Elle passe brillamment l’étape du Workshop de sélection à Lausanne et se qualifie pour la Finale qui se déroule en 2018 à Neuchâtel. «Avant le Workshop, je n’étais pas forcément stressée, je me disais qu’il fallait le vivre comme une expérience, j’étais loin d’imaginer la suite». Entre le Workshop de sélection et la Finale, les participant·e·s sont coaché·e·s par des expert·e·s scientifiques: «J’ai eu l’opportunité d’être suivie par un spécialiste des nanomatériaux. Nous avons travaillé ensemble pour améliorer mon projet».
Dépasser sa timidité
Ce qui frappe directement lorsqu’on rencontre Sara c’est sa voix. Douce, posée, précise et indéniablement percutante. «Oui, je suis un peu timide», confie-t-elle. La Finale, c’est trois jours entouré·e·s d’expert·e·s et de jeunes scientifiques venant de toute la Suisse. Un défi pour la jeune femme réservée. «Je suis arrivée à l’Université de Neuchâtel avec mes parents, nous avons installé mon stand avec le poster que j’avais préparé, mon dossier et mes affaires. Et à partir de là… j’étais seule et j’ai dû me débrouiller», rigole-t-elle.
Sara ne connaît personne, mais la glace est rapidement brisée: «Les journées étaient particulièrement bien rythmées. Le matin nous avions des présentations, notamment face à des expert·e·s. Le soir des activités entre finalistes pour faire connaissance.» C’est lors d’une petite croisière organisée sur le lac de Neuchâtel que Sara a dépassé sa timidité: «Finalement, la partie qui m’effrayait le plus est celle que j’ai préférée. Je me suis même liée d’amitié avec deux finalistes de Suisse alémanique», sourit-elle fièrement.
«Tu en es capable!»
Lors de la cérémonie de remise des prix, Sara décroche la mention «excellent» accompagnée d’une somme de 1’000.- qu’elle a pu utiliser pour financer son permis de conduire. Mais ce qu’elle retient surtout de cette expérience, c’est son grand plongeon dans le monde scientifique: «Discuter avec des experts, se faire comprendre dans plusieurs langues avec les finalistes, s’adapter à un nouvel environnement, ce sont des défis que j’ai particulièrement aimé relever», explique-t-elle. Un vrai boost de motivation avant de commencer de l’Université: «Lorsque j’ai été appelée sur la scène, je me suis dit: Tu en es capable».
Aujourd’hui en troisième année de Bachelor en sciences biomédicales à l’Université de Genève, Sara s’est tournée vers un cursus qui mêle médecine et science. Son expérience lors du Concours national n’est pas loin derrière, puisqu’elle désire aujourd’hui éventuellement s’orienter dans le domaine de la communication scientifique.