Nos Alumni·ae vont toujours plus loin 😉 Après avoir participé au Concours national en 2019, Marta Marangoni se lance aujourd’hui avec une équipe de 14 personnes pour représenter l’Université de Lausanne dans la compétition internationale iGem. «Nous utilisons la biologie pour sauver le monde», lit-on sur leur page Instagram. Le concept: les étudiant·e·s ont le temps d’un été pour développer une innovation en biologie synthétique. Marta et son équipe souhaitent mettre au point un produit permettant d’éliminer les moules quagga qui envahissent le Lac Léman. Reportage.
Eau douce mais facture salée
35 degrés. C’est ce qu’affiche le mercure quelques minutes avant de rejoindre notre Alumna sur le campus de l’Université de Lausanne. Ce n’est pas à la plage que notre jeune tessinoise va passer ces vacances, mais bien au sein des laboratoires de sa faculté de biologie et de médecine qui finance l’opération. «La canicule, crée un espace particulièrement propice à la prolifération des moules quagga. Elles se déposent même dans les canalisations du lac empêchant certaines entreprises d’utiliser l’eau pour leurs activités», explique Marta Marangoni.
Le problème est le suivant: «Comme beaucoup d’espèces exotiques, elles n’ont souvent pas, dans leur nouvel environnement, de prédateurs qui peuvent réguler leur développement. Leur propagation évolue alors rapidement et devient difficilement contrôlable», souligne la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman.
Pour l’instant, la seule solution est de les retirer manuellement. Certaines entreprises sont spécialistes en la matière mais la facture est salée. De plus, cette technique est loin d’être idéale selon Marta car «ces moules se reproduisent extrêmement vites, si vous en avez manqué un seule, c’est fini, vous devez recommencer la procédure».
C’est ainsi qu’elle et son équipe ont décidé de mettre au point deux produits. Une toxine destinée à éliminer les moules et un acide permettant d’éviter leur attachement. Le projet porte le nom explicite de «Quagg’out».
Un cimetière à moules
«Le but est qu’une bactérie arrive à produire une toxine détruisant la moule quagga. Pour se faire, il faut modifier son plasmide (un type d’ADN) en ajoutant des gènes. Dans notre cas, nous devons trouver les gènes qui permettent de produire une toxine et les insérer dans le plasmide. Une fois les plasmides prêts, il faudra extraire l’acide et voir comment les moules réagissent», énonce Marta tout en nous faisant faire le tour du laboratoire.
Les bacs en plastiques contenant les moules quagga que les étudiant·e·s ont récupérées plus tôt sur des cailloux au bord du lac se trouvent à l’entrée. Certaines sont inertes, d’autres gigottent au milieu de leur zone, mais aucune ne semble vouloir s’accrocher à sa paroi. Condition pourtant essentielle pour pouvoir tester les toxines par la suite. «C’est une espèce ‘invasive’. Certaines études montrent même qu’elles adhèrent particulièrement bien au pvc», lance Marta.
Un paradoxe que l’équipe affronte avec humour, comme le prouve la petite poubelle à coté de la culture où figure l’inscription «cimetière à moules».
«Ça dépend»
La visite se poursuit dans la salle de travail. Lorsqu’on y entre, on remarque tout de suite une machine à café qui semble très appréciée, des stickers décalés puis à droite un tableau noir sur lequel on lit «it depends» (Ça dépend), clin d’œil ironique à la réponse la plus souvent donnée en labo. La bonne ambiance est de mise, mais orchestrer une équipe de 14 étudiant·e·s avec des horaires différents est un vrai défi pour Marta qui a pris le poste de Team Leader. «C’est ma première expérience avec un rôle comme celui-ci. Je dois faire preuve d’empathie, comprendre la personne que j’ai en face lorsque je fais une remarque pour que chacun·e reste motivé·e. Le côté humain de cette aventure m’apporte énormément», confie-t-elle.
Moul(t)es facettes
Passer son été à sauver le lac Léman, pourquoi pas. Mais que peut-on gagner? «Beaucoup de reconnaissance», nous répond notre Alumna en riant avant de poursuivre plus sérieusement: «en faculté de biologie, nous n’avons pas besoin de rédiger un travail de fin d’études. Le projet que nous menons sera clairement un plus sur notre CV».
La commission iGem évaluera toutes les facettes du projet, de la conception biologique à la communication avec le grand public. Chacun·e occupe donc un poste bien particulier: programmeur du site internet, community manager, responsable de laboratoire. En somme, tous les ingrédients d’une start-up.
Pourtant, ce n’est pas la voie que souhaite – du moins pour l’instant – emprunter directement les étudiant·e·s. «Nous allons tout d’abord tester le produit sur une dizaine de moules, mais nous ne savons pas encore quelle quantité nous aurons besoin pour en venir à bout. Avant de penser à commercialiser notre innovation, nous devons prendre en compte plusieurs facteurs pour calculer sa rentabilité». Affaire à suivre.