Biologie | Environnement
Alexandra Delacretaz, 2002 | Romanel-sur-Lausanne, VD
Les minuscules tardigrades que l’on trouve sur les cinq continents impressionnent par leurs facultés de survie étonnantes, en particulier l’anhydrobiose qui consiste en une déshydratation poussée et leur permet de survivre au gel, à la sécheresse ou au vide. Pour cette étude, j’ai cherché un moyen d’induire la mise en anhydrobiose et la reviviscence des tardigrades en condition de semi-laboratoire pour ensuite chercher un possible lien entre les durées de ces deux processus. Mes résultats ont montré que pour qu’ils aient le temps de métaboliser les molécules nécessaires à leur mise en anhydrobiose, il leur faut une humidité très élevée afin de se dessécher le plus lentement possible. Il s’est aussi avéré que les tardigrades prennent plus de temps à sortir de leur état de stase lorsque celui-ci a duré longtemps. Cela pourrait être dû au fait que, plus le temps passe, plus les tardigrades sont profondément déshydratés, et plus il leur faut du temps pour se remettre de l’anhydrobiose et à recommencer à métaboliser correctement. Mes résultats permettent de comprendre un peu mieux l’anhydrobiose, phénomène essentiel à la survie du tardigrade.
Problématique
Les mécanismes de l’anhydrobiose sont encore méconnus mais l’intérêt que la communauté scientifique leur porte est croissant : ces capacités pourraient être directement utiles dans la recherche scientifique ou pour développer de nouvelles technologies médicales. L’anhydrobiose, pourrait, par exemple, être utile en médecine pour cryogéniser une cellule ou même un organe sans les détruire, ou pour prolonger la durée de vie d’un vaccin. Dans cette étude, j’ai cherché à mieux comprendre le processus d’anhydrobiose et à répondre à deux problématiques : (i) dans quelle mesure peut-on reproduire l’anhydrobiose des tardigrades en condition de semi-laboratoire ? Et (ii) dans quelle mesure le temps passé en anhydrobiose influence-t-il la durée de réhydratation jusqu’à la reviviscence des tardigrades ?
Méthodologie
Les tardigrades étudiés ont été collectés près de Lausanne et identifiés à l’aide de la clé de détermination Lindahl & Balser (1999). Plusieurs essais ont été réalisés pour induire avec succès la mise en anhydrobiose. Cette méthode a ensuite été appliquée pour des durées entre deux heures et deux semaines, avant de mesurer le temps de reviviscence. J’ai comparé le temps moyen de reviviscence en fonction de la durée d’anhydrobiose à l’aide d’une ANOVA à un facteur sur le programme R, puis utilisé la méthode de Tukey pour effectuer des comparaisons multiples entre les moyennes de ces durées dans les divers groupes et obtenir les intervalles de confiances et valeurs-p associées.
Résultats
Mes études statistiques ont révélé que la durée d’anhydrobiose affectait significativement le temps de reviviscence (p<0.001) et que les tardigrades ayant passé deux semaines en anhydrobiose avaient un temps de reviviscence jusqu’à quatre fois plus long (~100min en moyenne) que ceux l’ayant été seulement quelques heures (~25min).
Discussion
Il semblerait que plus les tardigrades sont profondément déshydratés, plus ils ont besoin de temps pour recommencer à métaboliser correctement. Les dommages génomiques et cellulaires subis lors d’une anhydrobiose prolongée contribuent aussi sûrement à l’augmentation de ce temps. D’ailleurs, une expérience menée par Tsujimoto et al. en 2015 avait montré que, mis en anhydrobiose pendant plus de 30 ans, les tardigrades prenaient plusieurs jours avant de recommencer à se nourrir, se déplacer et se reproduire. Mes résultats, obtenus sur de plus courtes durées d’anhydrobiose, concordent avec ces observations. Afin d’affiner la tendance observée, il serait intéressant d’exposer ces animaux à des durées d’anhydrobiose intermédiaires à celles que j’ai déjà testées afin d’observer plus précisément de quelle manière le temps de reviviscence augmente. Une augmentation par paliers pourrait indiquer une mise en place de différents mécanismes de survie : il serait alors extrêmement intéressant d’étudier et de comprendre les phénomènes physiques et métaboliques impliqués.
Conclusions
Le but premier de ce travail était de reproduire l’anhydrobiose en condition de semi-laboratoire et chaque tentative, même ratée, a permis de mieux comprendre les conditions abiotiques nécessaires pour les tardigrades et d’affiner la méthode jusqu’à ce qu’elle soit efficace et exploitable. J’ai ainsi pu trouver un lien entre la durée d’anhydrobiose et le temps de reviviscence, ce qui répond à ma problématique mais en ouvre également de nouvelles car il reste encore énormément d’éléments à découvrir sur cette faculté étonnante des tardigrades.
Appréciation de l’experte
Margot Paris
Pour ce projet, Alexandra a étudié l’anhydrobiose des tardigrades, un mécanisme qui permet à ces invertébrés de survivre à des conditions extrêmes. Elle a pu démontrer l’impact de la durée d’anhydrobiose sur le temps nécessaire à la reviviscence de ces organismes. Alexandra a fait preuve d’une impressionnante autonomie dans la définition de ses questions de recherche, et de beaucoup de persévérance et de rigueur dans la réalisation de ses expériences. La publication de son travail démontre la rigueur scientifique et statistique apportée à l’analyse et à l’interprétation de ses résultats.
Mention:
excellent
Prix spécial Weizmann Institut of Science – International Summer Science Institute (ISSI)
Gymnase cantonal de BEAULIEU, Lausanne
Enseignante: Dr. Annie Mercier Zuber