Passionné depuis l’enfance

Dans ce quartier paisible tout proche du lac Léman, nos pas résonnent, accompagnés par la mélodie de quelques oiseaux. Sébastien nous reçoit dans la maison de ses parents. Son accueil chaleureux éclipse l’air glacé de cette matinée d’hiver. Il nous emmène directement vers la table du salon où se tient l’échiquier face à une grande baie vitrée qui l’éclaire. Sébastien enclenche la machine tout en expliquant le fonctionnement de son projet, le regard pétillant: «C’est la puissance du système électromagnétique qui permet de glisser les pions sur l’échiquier».

L’objet émerveille et transporte directement l’utilisateur·rice au cœur d’une partie d’échec façon Harry Potter. Les pièces sont comme ensorcelées et se déplacent d’elles-mêmes sur le plateau. Le jeune genevois a développé un algorithme sur plus d’un an qui comporte 2’500 lignes de codes.

«Têtu et persévérant de nature», c’est ainsi qu’il se définit. Sébastien a pensé chaque élément de son projet dans les moindres détails: «La majorité des composants ont été créés grâce à une imprimante 3D. Quant à l’algorithme, je me suis entre autres inspiré de l’AlphaGo zéro développé par la société britannique DeepMind, une filiale de Google». Sébastien démonte l’échiquier pour révéler les fils qui composent le système intérieur tout en poursuivant son récit.

Déjà tout jeune, les robots l’intriguent. Son père travaille dans l’informatique et encourage cet intérêt florissant. Son fils a neuf ans lorsqu’il lui offre son premier livre traitant de programmation. Sébastien le dévore et sa passion s’installe définitivement.

Lorsqu’il doit proposer un thème pour son travail de maturité, il pense immédiatement à la création d’un échiquier. «Le jeu d’échecs c’est un cas d’école», souligne-t-il. De nombreux chercheur·euse·s s’en sont inspiré·e·s pour développer l’intelligence artificielle. Car l’algorithme doit reproduire la finesse de l’esprit humain pour mettre en place une stratégie».

Démonstration: la partie commence. La machine l’emporte facilement en quelques coups. L’intelligence de l’engin ne peut qu’impressionner. Sébastien a conçu un robot compétitif face à un joueur moyen alors que l’univers des échecs ne lui était pas du tout familier: «Je n’y jouais pas vraiment avant», confie-t-il, en riant.

Un coaching en or

Etudiant au Collège Calvin lorsqu’il construit l’échiquier, son enseignant croit en son potentiel et lui recommande de s’inscrire au Concours national de Science et jeunesse. Sébastien passe l’étape du Workshop de sélection et se qualifie pour la Finale. Chaque candidat·e sélectionné·e a alors l’opportunité d’être coaché·e par un·e expert·e de son domaine. L’objectif: permettre aux candidat·e·s d’améliorer davantage leur projet. Ils·elles sont conseillé·e·s jusqu’à fin mars, date à laquelle les participant·e·s soumettent leur deuxième et dernière version.

«Mon expert était manager chez Google. Chaque semaine, nous avions un rendez-vous de trente minutes par téléphone. Pour moi, ces instants représentaient une mine d’informations. Je notais chacune de ses remarques. Comme il est du métier, il m’a donné plusieurs pistes. Ce sont des informations pointues que je n’aurais pas réussi à obtenir autrement».

Être en compétition avec soi-même

Lors de la Finale qui se déroule en avril, une mention «bien», «très bien» et «excellent» est attribuée à chaque projet présenté. Tou·te·s les finalistes sont alors récompensé·e·s par une somme d’argent, en fonction de la mention obtenue. Avec la mention «excellent», Sébastien a reçu 1’000.-, qu’il n’a d’ailleurs pas encore dépensé. «Je souhaite les réinvestir dans mon projet. Depuis la fin du Concours, j’ai continué à améliorer la performance de l’échiquier et la fluidité du déplacement des pièces».

Le Concours national lui a permis de développer et stimuler ses compétences scientifiques. Mais pas que! Sur le plan humain, il ressort grandit de cette expérience: «J’ai rencontré un jeune qui a mené une recherche historique sur les confitures Hero Delicia, un autre qui a développé une batterie électrique. Face à l’excellence et à la diversité de tous ces travaux, je me suis senti humble. Et j’ai réalisé que je devais avant tout être en compétition avec moi-même».

Lors de ce type d’événement, la perspective de devoir parler allemand peut parfois freiner certain·e·s romand·e·s. Mais Sébastien n’a pas ressenti de barrières linguistiques: «Personnellement, ça n’a pas été un problème, j’ai pu parler français pendant toutes les étapes du Concours, et pour échanger avec les autres participant·e·s, j’utilisais l’anglais pour être plus à l’aise», souligne-t-il. Sébastien s’est d’ailleurs lié d’amitié avec deux autres étudiants aussi inscrits à l’EPFL. Toujours en contact, il espère collaborer avec eux dans le cadre de sa carrière professionnelle.

«J’ai rencontré Guy Parmelin!»

Chaque volée du Concours national a eu l’opportunité de rencontrer un membre du Conseil fédéral. En 2020, c’est Guy Parmelin qui a reçu et félicité les nominé·e·s. «C’était un moment assez fou, nous pouvions toutes et tous ouvertement lui poser des questions», se souvient-il.

En plus des prix en espèce, des prix spéciaux sont décernés. Ils permettent aux jeunes de rejoindre des réseaux ou de participer à des manifestations scientifiques internationales. Sébastien a reçu «Le Prix Escher» qui lui donne un accès permanent au «Club entrepreneurs» de l’EPFZ. Chaque année, des voyages sont organisés pour visiter les locaux de startups reconnues pour leur implication dans l’innovation technologique. De quoi l’aider à se constituer un réseau qui lui sera précieux tout au long de sa carrière.