Le 30 octobre, dix-sept participant·e·s des Olympiades de la science et de Science et jeunesse ont pris part à l’atelier avec la et le lauréat des prix Marcel Benoist & Latsis. Cet atelier vise à promouvoir la relève scientifique. En 2023, le prix Marcel Benoist est décerné au Prof Ted Turlings, pour ses travaux en écologie chimique, et le prix Latsis à la Prof Lesya Shchutska, pour ses recherches sur la physique des particules élémentaires.



Il s’agissait de la quatrième édition de cet atelier, organisé par Science et jeunesse, sur initiative de la Fondation Marcel Benoist. L’événement a débuté à 13h15, dans un salon de l’hôtel Schweizerhof, à Berne. Sous la modération de Reatch, groupe de réflexion à l’interface entre la science et la politique, les jeunes ont été divisé·e·s en deux groupes, les « neutrinos » et les « molécules ». Elles et ils ont échangé en paires pour faire connaissance et pour préparer les questions destinées au Prof Turlings et à la Prof Shchutska. Le groupe a visionné des vidéos qui synthétisent les travaux récompensés, ce qui leur a permis de formuler de nouvelles questions sur la biologie, la physique et sur le métier de scientifique. Parmi les questions, il y avait l’envie de savoir d’où les scientifiques puisent la créativité pour mener leurs études, quels sont les apprentissages les plus importants de leur carrière et pourquoi avoir choisi une espèce de maïs (c’était un hasard) et les neutrinos lourds (car difficiles à trouver) comme éléments de travail.

Après la pause, le Prof Didier Queloz (président de la Fondation Marcel Benoist et prix Nobel de physique) et le Prof Yves Flückiger (président de la Fondation Latsis et recteur de l’Université de Genève) ont brièvement introduit l’atelier, en encourageant les jeunes à profiter des échanges en petit groupe et à poursuivre des carrières scientifiques.

Les groupes des « neutrinos » et des « molécules » se sont répartis dans deux salles, pour passer quarante-cinq minutes avec chaque scientifique.



De signaux chimiques à la lutte contre la famine, l’atelier avec le Prof Ted Turlings, biologiste à l’Université de Neuchâtel

Les recherches du Prof Turlings ont permis de comprendre le rôle joué par les signaux chimiques entre des espèces végétales et animales. Comment certaines espèces de maïs, en contact avec la salive de ravageurs, émettent des phéromones – signaux chimiques – pour attirer d’autres insectes ou parasites qui tueront le ravageur, par exemple en pondant ou en se nourrissant de lui. Durant la session des questions, le Prof Turlings a mis en avant comment ces découvertes peuvent réduire l’usage de pesticides : en installant des capteurs sur des tracteurs, il serait possible de localiser précisément les ravageurs et de ne fumiger que les zones affectées. Une application cours de développement est la fabrication d’un gel avec des propriétés chimiques issues d’insectes ou de parasites locaux, pour dissuader les ravageurs d’attaquer le maïs. Ce gel pourrait être étalé avec de grosses seringues sur les plantes et ne nuirait pas à la biodiversité. Le coût du matériel état un obstacle à l’implémentation, il est en discussion avec une entreprise pour réduire le prix des machines. Ce projet permettrait à de jeunes agricultrices et agriculteurs en Afrique de produire le gel et de vendre le service de traitement, générant ainsi de nouvelles sources de revenu dans ce secteur, mis à genoux par l’invasion de la chenille légionnaire d’automne en 2016, une ravageuse en partie responsable de la famine au Sud du Sahara.

En guise de conseil, le Prof Turlings a suggéré aux jeunes présent·e·s de toujours explorer toutes les options, jusqu’à trouver quelque chose qui les intéresse, et s’y pencher dessus jusqu’à comprendre. Sans cela, il n’aurait pas pu isoler les signaux chimiques envoyés entre espèces et, in fine, contribuer à une agriculture plus durable.



De la beauté de la gravité aux lacunes du modèle standard, l’atelier avec la Prof Lesya Shchutska, physicienne à l’EPFL

Les travaux de la Prof Shchutska se penchent sur la détection de neutrinos lourds, difficiles à saisir car ces particules interagissent très faiblement avec celles connues. Les neutrinos lourds pourraient expliquer des observations que le modèle standard ne parvient pas à faire, et donc compléter le modèle. Un défi majeur dans ce champ est qu’il n’y a pas d’indication vers quelles voies orienter les recherches, ce qui rend le travail aussi stimulant qu’ardu. Elle avance inlassablement, en testant des hypothèses, et profitant des instruments de mesure qu’elle et autres équipes perfectionnent en continu. Elle s’attend à ce que les connaissances sur la matière noire avancent grandement dans peu de temps.

La chercheuse a également évoqué son parcours, de l’Ukraine à la Russie, puis à Lausanne, toujours mue par envie d’étudier la physique, un « langage universel ». Elle encourage les jeunes à étudier de qui les intéresse, car il y a toujours quelque chose à expliquer, surtout maintenant que les disciplines sont devenues si larges qu’elles s’imprègnent mutuellement. Il s’agit, à chaque étape, de « penser des possibles ».

Les deux scientifiques ont souligné que les prix sont une reconnaissance offerte à leurs domaines d’études et à toutes les personnes qu’y travaillent dedans.



Clôture des ateliers

A la fin des ateliers, les participant·e·s ont échangé leurs impressions. Les jeunes ont apprécié la clarté des explication des deux scientifiques. Ce qui les a plus marqué est la dimension humaine de la recherche scientifique : l’aspect collaboratif ; entendre comment des idées se forment ; apprendre que l’absence de résultats contribue à la science, par l’élimination d’hypothèses ; écouter que la chance et les émotions jouent un rôle inévitable dans la carrière scientifique ; entendre combien des aspects pratiques influencent le travail de recherche – budget, instruments à disposition, obtention d’autorisations, etc. –  et, surtout, garder en tête que les opportunités, il faut apprendre à les identifier et les saisir.

La journée touchait sa fin lorsque le groupe est parti en direction du Rathaus, pour la cérémonie de remise des prix en présence du Conseiller fédéral, M. Guy Parmelin. La fine pluie a convaincu le groupe de remplacer l’arrêt à l’esplanade de la cathédrale par une balade, à l’abri, sous les arches de la vieille-ville de Berne.


Pour en savoir plus :