Histoire | Géographie | Économie | Société

 

Solène Galimberti, 2002 | Blonay, VD

 

Ce travail porte sur la damnatio memoriae, condamnation en vigueur dans l’Empire romain, qui s’attaque, de façon post-mortem, à la mémoire d’individus jugés ignominieux. Cette condamnation implique diverses mesures prises à l’encontre du nom et de l’image du condamné, comme la mutilation de ses représentations, l’effacement de son nom sur des documents officiels, ou encore la privation de sépulture. Mes recherches interrogent cette condamnation et son but, en se basant sur des sources littéraires et iconographiques.

Problématique

L’idée préconçue sur la damnatio memoriae est que cette condamnation a pour but d’effacer la mémoire d’un individu, un empereur dans la majorité des cas, jugé infâme. L’examen de la littérature scientifique et des sources antiques met en évidence que ce but supposé ne se traduit pas exactement dans la réalité. Il semble en effet impossible de faire disparaître un individu de l’histoire et, si tel avait été le cas, cette condamnation ne pourrait pas être étudiée. Ce constat m’a amené à formuler la problématique suivante : Comment peut-on réviser l’idée reçue que la damnatio memoriae visait l’effacement de la mémoire d’un individu et en quoi consiste vraiment cette condamnation ?

Méthodologie

Pour répondre à ces questions, j’ai tout d’abord présenté la place de la mémoire et de l’image dans l’Antiquité romaine. Puis j’ai procédé par déduction, en réalisant trois études de cas avec la représentation d’un empereur ayant fait l’objet d’une damnatio memoriae : une pièce de monnaie à l’effigie de l’empereur Néron (37-68 ap. J.-C.), un relief représentant originellement l’empereur Domitien (51-96 ap. J.-C.) et un tableau de l’empereur Géta (189-211 ap. J.-C.) avec sa famille. J’ai ainsi pu mettre en avant différents éléments caractérisant la damnatio memoriae, comme l’implication du Sénat romain et la grande diversité des mesures prises à l’encontre de la mémoire d’un condamné.

Résultats

Grâce à ces études de cas, j’ai pu mettre en évidence deux buts que l’on peut attribuer à la damnatio memoriae. D’une part, il apparaît que le premier objectif de cette condamnation n’est pas d’annihiler la mémoire de l’individu, mais de la déshonorer. En effet, dans la société romaine, il est primordial de laisser un souvenir glorieux pour la postérité, la damnatio memoriae permet donc de salir cette image positive. Quant au deuxième but, il consiste à montrer l’exemple à ne pas suivre sous peine de subir le même sort.

Discussion

Ce travail a permis de nuancer les conceptions généralement admises en matière de damnatio memoriae. En travaillant sur la damnatio memoriae, on constate que le but de cette condamnation n’est pas l’effacement de la mémoire et que cette idée est liée à une mauvaise compréhension de la condamnation. Partant de l’importance de l’image dans la société romaine, on comprend que la condamnation s’attaque aux représentations pour salir la mémoire du condamné. L’analyse pourrait s’appliquer aux sources littéraires, pour voir si les personnages ayant fait l’objet d’une telle condamnation ont vu leur parcours terni par les auteurs. Mon travail permet également de faire un lien entre l’Antiquité et l’époque contemporaine en présentant des phénomènes qui font écho à la damnatio memoriae. Des procédures qu’on pourrait considérer comme analogues relèvent de la cancel culture et s’inscrivent dans le mouvement Black Lives Matter avec la pratique consistant à déboulonner ou vandaliser des statues de personnages historiques symbolisant l’esclavagisme ou le colonialisme.

Conclusions

Au terme de mon travail, j’ai pu affiner la définition et les buts de la damnatio memoriae, procédure qui vise à déshonorer un individu jugé ignominieux en entachant sa mémoire, tout en donnant à voir un exemple à ne pas suivre. Cette étude amène aussi à se questionner sur notre rapport actuel à la mémoire et à l’image, car il existe des phénomènes contemporains comparables. Mon travail permet enfin de s’interroger sur les conséquences que la manipulation de la mémoire peut avoir sur notre perception de l’Histoire et sur les figures historiques.

 

 

Appréciation de l’experte

Lorraine Pidoux

Ce travail enquête sur une procédure souvent mal interprétée de la Rome impériale : la «damnatio memoriae» (condamnation à l’oubli). L’expression n’apparaissant pas dans les textes antiques, cette étude révèle qu’il s’agit d’une construction historiographique moderne. En se basant sur des sources iconographiques, Madame Galimberti affine les modalités de cette décision politique, qu’il faut comprendre non pas comme une annihilation du souvenir, mais comme une souillure mémorielle. La recherche permet en outre de comprendre la place des images et la valeur d’exemple dans la société romaine.

Mention:

très bien

 

 

 

Gymnase de Burier , La Tour-de-Peilz
Enseignant: Burnier Alexandre